Speed dating : un objet / un chercheur
« De l’eau ? Une bulle ? Une cellule ? » Lola, Kevin et Maxence, en tailleur sur le tapis, ne quittent pas l’écran des yeux. Ils ont deux minutes pour deviner ce que cache la photo mystère. Un peu plus loin, deux étudiants en médecine scrutent l’image, mi amusés mi intrigués. « Une rétine ? » « Non, pas exactement ». L’animateur, micro à la main, bondit de réponse en réponse. Une trentaine de visiteurs se laissent prendre au jeu. Face à eux, l’auteur de l’innovation fait durer le suspens. Entre fausse piste et indice, il essaye de les guider vers la solution, sans vendre la mèche. « Un œil ! » « Oui, c’est ça ! » Kevin, 10 ans vient de trouver la bonne réponse. Et le chercheur d’enchainer : « Un œil qu’on est en train d’opérer de la cataracte. Vous savez ce que c’est que la cataracte ? ». Une fois l’objet deviné, il a trois minutes pour présenter sa solution, avec des mots simples.
Au total plus de 40 innovations ont ainsi été dévoilées, en 5 minutes, à un public de néophytes et d’initiés, ravis de découvrir ce qui peut-être, demain, leur sauvera la vie ou en tout cas la santé. Focus sur trois de ces innovations, avec 3 chercheurs : Christophe Bernard, David Touboul et Nora Benhabilès.
3 questions à Christophe Bernard, neurobiologiste et directeur de recherche INSERM à l’Institut de neurosciences
Qu’est-ce que votre innovation apporte aux patients ?
Un traitement plus efficace pour des maladies comme Parkinson, Alzheimer ou l’épilepsie, dont certaines ne peuvent être soignées aujourd’hui ou le sont avec d’importants effets secondaires. Car les médicaments actuels doivent être absorbés par voie orale à des doses très fortes pour pénétrer dans le cerveau en traversant la paroi des vaisseaux sanguins. Dans d’autres cas, il faut opérer, ce qui reste un acte lourd, voire impossible dans certaines zones du cerveau comme celle du langage ou de la motricité.
Comment fonctionne votre solution ?
Il s’agit d’une micropompe organique implantée directement dans la zone à traiter. Reliée à un boîtier sous claviculaire, elle diffuse le médicament au bon endroit et au bon moment. Faite en carbone et en or, elle est biocompatible, ne mesure que quelques microns, c’est à dire 20 fois moins qu’un cheveu et ne coûte que 0,5 € à fabriquer. Résultat : plus de chirurgie, plus d’effets secondaires et la possibilité d’utiliser des molécules moins puissantes.
Quand pourra-t-on l’utiliser ?
L’essai clinique devrait démarrer d’ici 4 ou 5 ans avec des patients atteints d’épilepsie et pour les-quels il n’y a aucun autre espoir. Rien qu’en France, cela représente 150 000 personnes. Nul doute qu’un industriel sera intéressé.
3 questions à David Touboul, Professeur d’Ophtalmologie au CHU de Bordeaux
Qu’est-ce que votre innovation apporte aux patients ?
La possibilité de se faire opérer de la cataracte au laser à moindre coût, et donc de bénéficier d’une intervention plus sûre et plus fiable dans le temps. C’est un enjeu de taille pour le geste chirurgical le plus pratiqué au monde puis qu’il concerne 25 millions de patients par an, dont seulement 5 % sont opérés au laser en raison du prix. Or ce geste, qui consiste à remplacer le cristallin opacifié par un implant chez les personnes de 70 ans et plus pour leur rendre une vision parfaite, est très sensible à la précision. Il le sera même de plus en plus, avec les nouveaux implants. L’ouverture du sac doit être parfaitement centrée et circulaire pour que l’implant soit parfaitement positionné. Ce que le laser sait faire à la perfection.
Votre solution est un laser « low-cost ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Aujourd’hui, les lasers existants coûtent entre 400 000 et 500 000 €, leur maintenance 30 à 40 000 € par an et le consommable de 300 à 500 € par œil. Avec un laser low-cost, nous espérons diviser par 10 le surcoût à la charge des patients ou du système de santé. Et ce, grâce à des systèmes d’imagerie plus simples, moins de « gadgets » et une innovation centrée sur le patient.
A quand l’arrivée sur le marché ?
Dans 2 ans. Une petite dizaine de laseristes, opticiens, ingénieurs et médecins du CHU de Bordeaux, du CNRS et du Centre d’optique, ainsi qu’un industriel y travaillent depuis 2010.
3 questions à Nora Benhabiles, Directeur des programmes santé à l’Institut LIST du CEA
Vous avez choisi de faire deviner au public un objet que tout le monde connaît : le Smartphone. Pourquoi ?
Parce que ce simple objet que tout le mode possède et qui tient dans la main permet aujourd’hui non seulement aux patients de vivre mieux (faire du sport, arrêter de fumer ou maigrir) mais aussi aux médecins de faire des diagnostics et de suivre des pathologies.
Au delà du simple bien-être, pouvez-vous nous donner des exemples d’applications sur Smart-phone en médecine ?
Il existe aujourd’hui de nombreuses applications qui, couplées à des objets connectés, permettent aux médecins de prendre la bonne décision. Comme ce microscope mobile connecté qui permet d’examiner des souches de malaria. Le dispositif AliveECG qui permet connecter des électrodes à un Smartphone pour enregistrer un électrocardiogramme. Le Dermatoscope mobile qui permet de scruter les moindres recoins de l’épiderme avec des clichés agrandis jusqu’à 20 fois grâce une lumière polarisée. MobiUS, un système d’échographie embarquée permettant de faire des images ultrasons d’un bébé dans le ventre de sa mère. Ou encore cette lampe connectée pour regarder la rétine des diabétiques.Certaines de ces applications médicales ont même obtenu le feu vert de la Food & Drugs Administration (FDA) aux Etats Unis. Preuve de leur valeur ajoutée.
Quels types de questions posent ces outils ?
Une multitude de questions sur le traitement des données, leur stockage et leur protection. Mais aussi des questions d’éthique et des questions sur les acteurs et l’organisation de l’innovation en santé.